Belfort (Poêmes)
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SI BELFORT M'ÉTAIT CHANTÉ...

 

BELFORT

 

Moderne carrefour entre Alsace et Comté,

Dans cette immense Porte ayant comme bordure

Les Vosges aux monts bleus, le Jura de verdure,

Dans un rude pays au climat sans bonté;

 

 Place forte héroïque, orgueilleuse cité,

Au Lion qui rappelle une époque très dure,

A la Miotte ancestrale au prestige qui dure,

Où sur les fronts se lit la froide austérité;

 

Berceau Si généreux de vaillants militaires,

Théâtre des exploits de héros légendaires,

Auréolé par eux de vertus, de grandeur,

 

Belfort, toi dont le nom aux deux syllabes fières

Evoque le canon qui gronde à nos frontières,

Le monde entier connaît ta gloire et ton honneur!

 

 LE TERRITOIRE DE BELFORT

 

Petit département, noble lambeau d'Alsace,

Toi qui restas français, mais Dieu sait à quel prix!

Tu rappelles sans cesse, en ta faible surface,

Une page d'honneur pur et jamais flétri.

 

Tu dis, aux visiteurs foulant ton sol tenace,

Que naguère Belfort, courageux et meurtri,

T'arracha fièrement aux serres du rapace,

A l'aigle prussien, qui déjà t'avait pris.

 

Et, devant le Lion, symbole de ta' gloire,

Chacun, en évoquant ce nom de « Territoire »,

Songeant à ces héros qui firent ta grandeur,

 

Eprouve un sentiment d'orgueil et d'espérance,

Se sent au fond de l'âme une étrange ferveur

Et se dit: « Qu'il est grand, ce petit coin de France!

 

 BELFORT HISTORIQUE

 

De cette Porte de Bourgogne

Proche du pays des cigognes,

Depuis les temps les plus lointains,

C'est toi qui gardes le chemin.

Et souvent tu dus faire face

Aux Germains traversant l'Alsace

Et livrer de nombreux combats,

Entre Vosges et monts Jura;

Car déjà dans l'ancienne histoire,

Où tu connus des jours de gloire,

Gaulois, César et légions

Vainquirent dans ta région

Les hordes du chef Arioviste.

Ces jours-là, tu ne fus pas triste

Mais joyeuse quand les Germains

Battus repassèrent le Rhin.

Et la vie enfin fut heureuse

Sur les bords de la Savoureuse,

Cela tant que Gallo-Romains

Pouvaient refouler tes voisins;

Mais dès leur puissance affaiblie,

A travers notre Séquanie,

On revit ces envahisseurs,

Tueurs, pillards et destructeurs.

Heureusement, le christianisme

Vint apaiser ce vandalisme,

Grâce à tes apôtres premiers:

Saint Déicole et saint Dizier.

Et tu fus mérovingienne

Et devins carolingienne,

Mais tes souvenirs sont enfouis

Au fond de cette sombre nuit.

A l'époque du Moyen Age,

Tu dépendis de l'apanage

Des Ferrette et des Montbéliard,

Dont Renaud t'affranchit plus tard.

Tu vis les Grandes Compagnies

Allumer partout l'incendie,

Les Ecorcheurs, les Armagnacs

Mettre tout le pays à sac.

Tu vis les hordes sanguinaires

De Suédois, de mercenaires,

Martyriser tes habitants,

Durant la guerre de Trente Ans.

Pour venger l'atroce carnage,

Oriel, au cœur plein de courage,

Et les fiers gars du Rosemont

Vinrent culbuter ces démons (1)

Pour toujours, tu devins française

Sous le règne de Louis treize,

Qui t'apporta sécurité,

Espérance et prospérité.

Vauban, qui te vit sentinelle,

Voulut que tu sois citadelle,

Renforça tes antiques murs,

Te défendit pour le futur;

Car dès lors tu fus imprenable,

Et de façon insoupçonnable,

Car, au temps napoléonien,

Tu résistas aux Autrichiens;

Par deux fois en deux ans de suite,

Tu leur montras fière conduite,

Avec Lecourbe, après Legrand,

Le général, le commandant.

 

En évitant encore un piège,

Tu devins la Ville aux Trois Sièges,

Pendant le temps du grand malheur

Qui te valut la Croix d'Honneur

Pour ta tenace résistance,

Fleuron de gloire de la France -

Qui se prolongea cent trois jours

Et finit aux sons des tambours,

Vingt-deux jours après l'armistice,

Sans que fût vain le sacrifice

Du brave Denfert-Rochereau

Et de ses soldats, ces héros.

Bien que tu sois alsacienne,

Tu n'as pas été prussienne,

Et grâce à Thiers, le Président,

Qui sut se faire intransigeant;

Il exigea de l'ennemie

Que tu restes en la Patrie,

Pour avoir si bien combattu

L'étranger au casque pointu.

Et ce beau geste de la France

Te prouva sa reconnaissance!

Ensuite le grand Bartholdi,

Un des enfants de ton pays,

Pour tes prouesses militaires

Et ton courage légendaire,

Sculpta ton colossal Lion;

Hommage de la Nation

A ta cité noble, héroïque;

Evocation symbolique

De ta force et de ta fierté,

Tes deux plus belles qualités!

 

(1) Oriel, de Giromagny, avec une troupe de paysans de la seigneurie du Rosemont, reprit Belfort à l'occupant, massacra toute la garnison et s'empara du gouverneur de la ville. .